Anachronismes
Ecrire l'histoire coloniale est impossible.
En 2018 l'actualité est marquée par l'immigration massive en Europe de populations venant de pays musulmans en guerre (Syrie, Irak) qui s'ajoute à celle des Nords-Africains qui a culminé de 1970 à 1990 et reste la plus importante.
Les luttes politiques placent immigration, sécurité et racisme au cœur des enjeux de pouvoir, les prétendants sont nombreux à aller chercher le sceau de l'histoire pour soutenir leurs positions.
Cette science est une des plus en proie à la partialité et les querelles de chapelle y deviennent des guerres de dogme.
Chercher dans le passé les causes du présent
Le rôle de l'historien est d'accumuler les traces du passé pour les organiser dans l'espace et le temps et retisser les liens pour en faire des événements avec des origines, des conséquences, des protagonistes, qui mis bout à bout constituent l'histoire.
L'adhérence du passé avec le présent, et cette ligne floue qui sépare l'histoire de l'actualité avec d'un coté les historiens, de l'autre journalistes, politiques, essayistes et blogueurs de tous bords, entretient un conflit d'intérêt qui aboutit à réviser l'histoire pour en faire une justification d'opinions par ses contemporains.
Sans faire de paranoïa, il est simple de constater en parcourant différents ouvrages les versions divergentes servies sur les mêmes événements, et d'aller rechercher dans le travail de leur auteurs, des oublis, minimisations ou exagérations, à la base de raisonnements inductifs qui définissent la conclusion comme un axiome et retissent ensuite une chaine justificative aboutissant à une version cohérente mais faussée dès le début.
Encore en amont, on retrouvera les allégeances politiques, nationales, religieuses ou philosophiques de leurs auteurs comme explication ultime de travaux qui confinent à la propagande quand ce n'est pas le but inavoué.
Colonie ou empire
Ecrire sur le fait colonial n'est aussi simple quand on parle des Phéniciens ou des Grecs dans l'antiquité que lorsqu'il s'agit des Européens depuis le XVIè siècle du fait des héritages pas encore totalement aboutis qui repousse encore dans le passé la ligne floue qui sépare l'histoire de l'actualité.
D'une part parce que les termes utilisés ne recouvrent pas la même réalité et que si les colonies phéniciennes ou grecques étaient des établissements humains échangeant avec les peuples voisins, ce qui correspondrait aux comptoirs de la période coloniale, la colonisation européenne est en réalité un impérialisme sur le modèle Romain avec un assujettissement militaire et administratif de territoires conquis, mais avec toujours ces transferts de populations depuis la métropole garantissant une assise et une pérennité du modèle culturel du colonisateur.
Très rarement est considéré d'un point de vue colonial la conquête Arabe ou Turque alors qu'elle est en tout point similaire et revêt tous les aspects de prééminence culturelle religieuse, ce qui constitue une première réalité à rétablir s'agissant de l'actuelle Algérie dont la partie du territoire conquise par la France en 1830 était une colonie Turque et non pas un territoire indépendant.
D'autre part, les protagonistes de ces événements, acteurs, témoins ou victimes sont toujours en vie et qu'évoquer ces faits implique directement des contemporains qui ont leur propre vision et surtout leur vécu et les souvenirs qu'ils en ont gardé auxquels l'historien évoquant les légions de César n'aurait pas été confronté. Son travail de recherche et d'analyse peut ainsi être mis en cause directement par les protagonistes, cette critique constituant ainsi un autre élément à rajouter au matériel d'étude permettant de reconstituer le puzzle.
L'état des droits et libertés dans le monde en 1830
L'autre réalité qu'il faut absolument rappeler concerne l'état des droits et libertés dans le monde au XIXè siècle dont peu semblent intégrer la réalité bien éloignée de notre quotidien.
La révolution française a 40 ans, soit exactement le temps qui sépare l'élection de Jacques Chirac de la création de la Vè république, mais est passée par l’exécution du roi, la terreur, le directoire, l'empire Napoléonien et son code civil, la restauration, l'abolition puis le rétablissement de l'esclavage.
Le roi de France Charles X conquiert un territoire Turc qui fait trafic d'esclaves dont le Européens sont les victimes et que l'US Navy a de sa puissance de feu rappelé à l'ordre dans deux guerres barbaresques.
Un Français de confession juive jouit pleinement de ses droits de citoyen là où son coreligionnaire d'Alger est limité par la loi islamique.
Au bout d'une recherche sur le Senatus-consulte de 1863
J'en viens à ce qui m'a amené à toutes ces réflexions, un article fort bien documenté de Didier Guignard, et au détour des références plusieurs indices sur la manière d'instruire l'histoire de ce territoire.
Un article de Henri Grimal de 1981 sur un ouvrage de Annie Rey-Goldzeiguer décrivant la politique du royaume arabe de Napoléon III envisage les opinions d'un point de vue arabophile/arabophobe en ces termes utilisés quatre fois dans l'article, usant de l'artifice réthorique de catégorisation réductrice et stigmatisante du phobique.
Par ailleurs cet article mentionne les "libertés publiques et individuelles", " droits politiques" qui ne seraient pas accordés aux populations autochtones, mais qu'il faudrait pour cela comparer avec les situations d'une part aux citoyens de plein droit et d'autre part aux autres minorités pour évaluer le niveau de liberté octroyé qui sans autre références que les normes d'un lecteur actuel est vide de sens et toute mesure.
Plus loin dans mes recherches, un autre article de 2005 du même Guignard, à l'introduction étrange d'un article bien fait au moins sur les sources documentaires.
Façon Pagnol, une scène de rue est ponctuée d'avis : "le pouvoir colonial retire brutalement aux Algériens leurs derniers droits et libertés" dont on se demandera la portée en plus de s'interroger sur qui est Algérien et qui ne l'est pas, un questionnement qu'il faudra approfondir plus loin sur l'usage à dessein de ce politonyme par les historiens.
La litanie des poncifs anti Français d'Algérie est un violent préambule, dont la portée sans nuance révèle le discours raciste d'un auteur qui ne devrait pas s'y adonner en tant qu'historien :
"politiciens méditerranéens", "forts en gueule" , "parole des maîtres comme instrument et révélateur privilégiés du pouvoir", "ces mots écorchent nos oreilles de démocrates", "appropriation locale de la République".
Le stratagème de les passer en citation constitue un contournement qui se voudrait habile mais demasqué il devient grossier , tant par la forme que le fond.
Au moins est il la marque d'un travail historique biaisé.